lundi 9 juillet 2012

L’offre en formations supérieures ne répond plus à la demande : La stratégie de développement du Maroc mise en jeu

La question du nombre de places proposées aux concours des grandes écoles et facultés se pose de nouveau. Lahcen Daoudi, ministre de l’Enseignement supérieur, de la Recherche scientifique et de la Formation des cadres, a annoncé, lundi dernier devant la Chambre des représentants, que la prochaine année universitaire connaîtra comme celles qui l’ont précédée un déficit en nombre des places disponibles. Sur les 81.620 bacheliers qui ont réussi cette année leur baccalauréat avec mention, 43.000 vont passer le concours et seuls 17.000 d’entre eux feront partie des heureux élus.
 « La souffrance des étudiants va se poursuivre vu l’insuffisance du nombre de places dans les établissements de formation supérieure. Comment voulez-vous accueillir  tout ce bon monde avec seulement, à titre d’exemple, deux facultés de médecine, une faculté de médecine dentaire et une seule école d’architecture? »,  s’est demandé le ministre.

En effet, la plupart des formations supérieures réputées les plus sélectives disposent d’un nombre de places très limité. Ainsi et selon des statistiques  émanant du ministère de tutelle, les Ecoles nationales de commerce et de gestion (ENCG) disposent d’uniquement 1.700 places, la Faculté des sciences et techniques de 5.200 places, l’Ecole nationale des sciences appliquées (ENSA) de  1.483 places, l’Ecole nationale des arts et métiers (ENAM) de 434 places, les Facultés de médecine et de pharmacie de 1.700 places, celle de médecine dentaire de 275 places et les Ecoles supérieures de technologie (EST) de 5.957 places.
Pour remédier à cette situation, Lahcen Daoudi  pense aux partenariats public-privé comme panacée. Selon lui, le gouvernement est incapable de gérer seul cette problématique.  « Pour construire une faculté de médecine avec un CHU, il faut compter près de 10 millions de DH alors que le budget du ministère ne dépasse pas les 9 milliards de DH dont 1 milliard est alloué à l’investissement», a-t-il indiqué. Ceci d’autant plus que les transferts effectués au profit des étudiants marocains à l’étranger pour financer leurs études s’établissent annuellement à près de 3 milliards de DH, si l’on y inclut les frais de transport et d’inscription.
 A cet effet, il a annoncé que des pourparlers sont engagés avec plusieurs établissements étrangers pour qu’ils puissent s’installer au Maroc. « Il y a des négociations avec les universités de Grenade et d’Ottawa pour la création d’une faculté de médecine. Des entretiens ont été également engagés avec l’université de Barcelone pour la création d’une école d’architectes. D’autres universités et écoles, notamment françaises, s’installeront bientôt au Maroc. Notamment l’Ecole centrale de Paris», a-t-il précisé. 
Pour certains observateurs, la solution prônée par le gouvernement Benkirane risque de creuser davantage l’inégalité d’accès aux grandes écoles et de consolider leur élitisme. Pour eux, l’installation des établissements de formations étrangères signifie des coûts d’études hors de portée des bourses moyennes puisque nécessitant  un effort financier pouvant aller de 30.000 à 60.000 DH l’année, voire plus pour certaines filières. Et du coup, seuls ceux qui en ont les moyens auront accès à ces établissements.
Selon ces observateurs, l’Exécutif doit nous dire ouvertement si son objectif est de conforter les filières élitistes ou de permettre au plus grand nombre de citoyens de prétendre aux formations les plus réputées.
Pour d’autres, l’ouverture des grandes écoles à davantage de diplômés est impérative  vu les besoins du marché de l’emploi et les carences enregistrées au niveau de certains secteurs sensibles comme la santé. Dans ce cadre, plusieurs experts se demandent pourquoi le gouvernement s’est  permis l’année dernière de faire cas, avec tambour et trompettes, de la réussite de 125 personnes au concours d’accès à la Faculté de médecine et de 120 à celle de  médecine dentaire alors que le  déficit enregistré au niveau des cadres médicaux est estimé à 5.700 médecins.
Les mêmes sources se demandent pourquoi le ministre de l’Enseignement supérieur ne veut pas s’inspirer de l’ancien programme gouvernemental portant sur la formation de 10.000 ingénieurs et qui avait atteint ses objectifs à 97% en 2009-2011 en portant le nombre d’ingénieurs formés à 9.697 en 2009-2010 contre 4.284 en 2007-2008. Une stratégie qui a pour objectif d’accompagner, au mieux, l’essor économique que connaît le Maroc, notamment à travers le lancement de grands chantiers structurants, l’aménagement de nouvelles zones franches et technopôles et la montée en puissance de l’offre dédiée à l’offshoring qui constituent une voie incontournable vers le développement socioéconomique et la création d’emplois pérennes et bien rétribués.
En attendant une réponse claire de Lahcen Daoudi, c’est non seulement les nouveaux bacheliers qui paieront les pots cassés, mais c’est toute la stratégie de développement du pays qui risque d’être gravement écornée.